Journal intime de Sophia – Episode 1

Voilà quatre mois que j’ai retrouvé mon quotidien, monotone mais m’assurant un sentiment de sécurité tellement présent qu’il en devient presque étouffant malgré les alertes régulières gueulées dans des hauts parleurs grésillants.

Mon boulot, mécano chez Répartout, ma boite montée avec des potos de la maintenance, tourne bien, on ne manque pas de job, on gagne bien mais ça pourrait être mieux si Ambert le chef de la station ne nous obligeait pas à facturer au forfait plutôt qu’au cout réel. Enfin on gagnerait plus faut le dire vite, de toute manière on nous paye avec des mercis et des algues. Barres énergétiques aux algues, cigares au algues, éponges, chewing-gum, matelas aux algues, c’est fou ce qu’on arrive à faire avec un truc quand on a que ça sous la main.

Pour l’instant tous mes essais pour durcir l’algue afin d’en faire du métal bon marché se sont soldés par des échecs et quelques baffes de Nocturne, notre chef de la maintenance.

Demain c’est les vacances !!! On reprend les flots, tout le monde le sait sur la station et ça se ressent.

Un œil averti remarquerait cette tension, cette électricité dans l’air, l’espoir de ceux qui donne leur courrier, l’impatience d’autres en attente qu’on leur ramène un truc et la rancune des derniers qui aimeraient être à notre place.

Putain que j’ai hâte de partir, que j’ai hâte de recevoir la claque de Nocturne, c’est sa manière à lui de me souhaiter bonne chance, de me dire de faire attention, qu’il m’apprécie. Cette fois je ferai tout pour trouver cette chienne de batterie, on en a clairement besoin. On a besoin de tout, tout le temps. Après quelques années sur la station on s’habitue très bien et on apprend à se passer de l’indispensable, c’est même « pittoresque » comme s’en amuse les touristes. Mais le vital ce n’est pas pareil, les sourires se crispent, les regards se font graves et chaque mot compte quand on aborde ce sujet. Je reviendrai avec cette batterie quitte à ce que je pioche dans mon magot durement gagné, et conservé par de nombreuses larmes de frustration. Une fortune pour certains, mais pas pour moi, pas pour mes projets, pas pour mon ambition.

Vivement demain.

C’est génial j’ai mangé des bonbons et même du chocolat, c’est incroyable comment un truc qui ressemble à de la merde est aussi bon !!! ça fond dans la bouche comme…comme rien, n’y a pas de mot pour décrire ça, c’est « ineffable » comme disent ces connards en transit de nos conditions de vie.  « Mais comment va-t-on pouvoir expliquer cela à notre retour ? c’est ineffable, comme c’est drôle ».

Une vieille bourgeoise m’en avait jeté une poignée sur ma table en préambule, au début je ne comprenais pas, elle pointait du doigt les secteurs 19 à 21 sur la carte, mais je l’écoutais à moitié, ça puait le piège, le coup du paiement en avance ça n’existe pas, surement des complices dans l’ombre prêt à me sauter dessus, mais pourquoi, me kidnapper ? Mon cerveau cogitait à fond, j’étais surement la fille cachée d’un homme puissant ? je le sens au fond de moi. Je l’avais toujours su. Je lui balance une merde en réponse, toujours les sens aux aguets, je me rends compte qu’elle était déjà en train de partir, partir pour de vrai la connasse pas le genre qui fait demi-tour pour que tu lui proposes un truc pour réouvrir les négociations.

Ca flashe dans mon cerveau : la connasse c’est moi, putain elle m’avait balancé une fortune sur la table comme ça, comme on jette de l’algue moisie au poisson, j’avais déconné grave, raté le truc de sa vie qui peut tout faire basculer…Je lui balance que j’ai un capitaine et un vaisseau disponible immédiatement, je réussis à stopper sa marche, je fonce chercher l’équipe, je commence par le plus facile Akiléus, il sera comme à son habitude dans son cercueil pour être en forme pour le départ.  Je l’envoie. Ensuite Tank, j’ai deux solutions soit chez les putes, soit en train de se saouler en regrettant de pas avoir assez de pognon pour aller voir ses favorites. Bonne pioche, mais c’était assez facile, il n’a jamais un radis, c’est la cigale de la station. Maintenant le plus dur : Kassandra, je sais où elle sera, comme à son habitude avant chaque départ elle se fait tringler sauvagement mais j’hésite à l’emmerder elle est dangereuse cette conne, et quand elle s’est bien fait défoncer ça la calme toujours les deux trois premiers jours de l’expédition, et c’est pas du luxe. Je fais le mauvais choix, je tape à la porte.

Enfin j’essaie de me faire entendre en tapant de toute ma force sur le métal, je dois dépasser le bruit des râles de plaisir qui s’échappent dans le couloir, j’y parviens, tout devient calme mais j’entends un bruit suspect que je connais que trop bien, je cours pour échapper à mon destin qui ne serait que funeste quelques secondes plus tard. Kassandra ne prévient pas, aucun avertissement, elle frappe direct.

Joshua membre de sécurité de la station m’avait dit un jour « ta cop on ne la prendra jamais, elle est frappée, elle tabasse dure et ensuite on pourrait espérer quelle réfléchisse, non elle reprend son souffle pour frapper encore plus fort sur les faiblesses trouvées pendant sa courte pause, elle a du sang de requin à plaques dans les veines ». Ce n’est pas grave, je demanderai au capitaine d’aller la chercher. A mon retour une claque d’Akiléus m’apprend que cela ne s’est pas bien passé, l’entrevue n’as jamais eu lieu, la vieille aux bonbons avait disparu.

Avant le départ Staky le capitaine du deuxième vaisseaux de la station nous joue le remake de qui mettra ses plus grosses couilles sur la table, évidement on va les déchirer ces bâtards !!! Mais notre chef reste impassible comme toujours et tombe pas dans le panneau, c’est pour ça que c’est notre chef, il réfléchit toujours avant, il est trop fort Akiléus c’est notre capitaine, Tank notre pilote et Kassandra celle qui appuie sur le bouton, moi j’ai le poste le plus important : le sonscan.

Youpi !! C’est parti les vacances commencent !!! Tout est réglementaire 2.7 Tonnes pour 2.5 T de charge utiles, par contre nous rajouter les 1.5 tonnes de manganèse en plus c’est dangereux, on ne discute pas les ordres de Ambert (j’imagine que ça vient d’Ambert, qui d’autre pourrait demander un truc pareil ?), mais on peut quand même lui dire ce qu’on en pense, je ne m’en gênerai pas à notre retour, ok c’est à déposer à notre première halte mais notre sécurité compte de moins en moins.

Putains je kiffe trop ce chocolat, je viens de finir le dernier, je n’arrive pas à accepter que plus jamais je n’en mangerai, que je n’éprouverai plus ce plaisir en bouche, ça me donne le courage de remettre le couvert avec la vieille et les secteurs 19 à 21.

Un sentiment de fierté m’envahit, l’équipe accepte de faire le détour, me considèrent-t-ils désormais comme un pair, un égal ? je n’ai même pas eu besoin de chialer ou supplier, ils changent leurs plans juste pour moi, juste pour que j’ai mon chocolat. Bon je ne leur ai pas vendu le chocolat, je leur vends le mystère, ils ne peuvent pas comprendre pour le chocolat, ils n’y ont pas encore gouté.

Le sonscan confirme ce que je pensais, la mamie n’était pas trop conne, elle a donné l’info aux deux navires, ça lui donne deux fois plus de chances qu’on trouve son truc. Ce que je ne comprends pas encore c’est qu’avec son pognon elle pourrait engager qui elle veut, donc si elle nous file l’info c’est qu’elle ne peut pas l’utiliser en direct, elle devra nous le récupérer ensuite avec ou sans notre accord, je vais devoir prévenir l’équipe de ce danger futur, enfin si on trouve un truc déjà.

On détecte un organisme vivant au sonscan, un requin après qu’il nous ait présenté sa dentition, Les doigts magiques de Kassandra nous en débarrassent, mais il rode toujours, proche, aux aguets.

Les talents de Tank nous permette de nous faufiler sans que l’autre navire (piloté par Staky) nous détecte et moi je trouve un truc, le signal d’une vieille balise de secours enfoncés dans le cul d’une façade d’un immeuble antique. Vivement la suite, ces vacances promettent !!!