Journal intime de Sophia – Episode 3

La discussion fut vive, mais comme « tout finit dans les bas fond », les gros bras descendent dans les ténèbres. Cora et moi pendant ce temps, partons enquêter sur la mort des quatre veilleurs.

Je n’aime pas les niveaux inférieurs, sombres, humides, ils me rappellent trop ma jeunesse. Y accéder n’est jamais le plus difficile, quelques sols aux gardiens des élévateurs de moins en moins regardants sur leurs clients au fur et à mesure de la descente permettent de profiter de leurs protections. Le voyage en monte-charge offre le spectacle de la décomposition de notre humanité, des mutations de plus en plus grotesques qui engendrent des occupations toutes aussi exotiques par leurs propriétaires, mais ont-ils le choix, il ne leur reste rien.

Niveau -7, ce mélange d’odeurs suffocantes nous prend à la gorge, les purificateurs d’air ne doivent pas fonctionner, ou ont été volés depuis longtemps. Peu importe, aucune équipe de maintenance ne descend à ce niveau, seulement des groupes de « nettoyage » passent de temps en temps équipés de lance flamme bien protégés des odeurs et radiations dans leurs armures de combat.

On nous guide jusqu’à la tanière de Bakus en échange de quelques babioles. Le charkudoc est un mutant plein de charme, d’une sensibilité rare, ami des animaux, il aime nourrir sa nuée de blattes avec des parties de corps cybernétisées pour en extraire facilement les composants. Un deal est conclu avec Kassandra, en échange du corps de Sash, le mec mort dans l’armure noire, il lui extrait ses fameux implants neuronaux et les lui greffe. Le mutant lui présente ensuite un passeur capable de lui amener le corps en déjouant les sécurités. Celui-ci ne souhaite en échange du passe-droit qu’un petit service, qu’on débarque trois de ses hommes à la prochaine station visitée. Evidement Kassandra appuie sur le bouton « accepter » sans poser la moindre question sur nos invités.

Nous trouvons la ruelle où a eu lieu le massacre des quatre veilleurs. Nous rentrons dans le bar en face dans l’idée de récupérer les images du combat. Le plan est simple : Cora fait diversion et dans la minute j’aspire toutes les données.

Cela ne va pas se passer exactement comme prévu, alors que je commence le boulot, voilà qu’une surtension m’éjecte du système et je me retrouve sur un serveur sécurisé de la corporation Pharmatech, surement un pont aspirant créé par une backdoor que je n’aurais jamais detectée sans ce problème électrique. Je transferts autant de données que possible avant de me faire éjecter, en particulier, la localisation et l’inventaire de tous les entrepôts remplis de médicaments de la corpo. Après cet échec nous quittons les lieux de peur de trop attirer l’attention au retour de la lumière.

Pendant ce temps le reste de l’équipe a trouvé le corps de Sulivan suspendu à un crochet de boucher les entrailles ouvertes. Akiléus ne résiste pas à l’atrocité de la scène, cela a dû faire remonter des souvenirs de batailles de son ancienne vie. Son vomi, ses spasmes, ses sanglots, et sa position fœtal laissent à penser un souvenir difficile sur un ancien compagnon d’arme.

Assistant stoïque à la scène, Tank fais ami ami avec le boucher, celui-ci lui propose de l’équipement flambant neuf du culte du trident. Un fusil et une dague neurale dans leur étui, notre pilote préfère savourer son tibias grillé à point et éviter tout risque futur malgré le prix ridicule demandé par son nouveau copain cotibia. Heureusement Kassandra était restée dehors. Autrement au vu de l’équipement proposé elle aurait vendu son foie.

De notre côté, Cora ne se décide pas à laisser tomber et veut coute que coute obtenir les images de l’attaque. Son insistance me trouble, se sent elle impliquée pour intégrer l’équipage ou est-ce autre chose ?

En retrait je l’observe et ne rate rien du spectacle, elle mène l’opération si facilement, un bouton déboutonné pour accrocher le regard du gérant du bar, suivit de quelques mots et il lui mange dans la main, on serait resté deux minutes de plus, je voyais arriver le moment où il pose un genou à terre et la supplie de l’épouser. C’est vrai qu’elle est belle, mais je n’avais pas imaginé à quel point, je le découvrirais sous peu.

Voilà, le deal de bons procédés a eu lieu sur le ponton, passer notre macabé et ses implants en échange de sortir les trois gus. Qui sont-ils, qu’ont-ils fait, qui les recherche, aucune question, aucune inquiétude de Kassandra, avancer dans sa quête de revêtir un jour l’armure noir mérite tous les dangers, pour elle, pour l’équipe, pour notre navire, pour Eronne. Pour faire bonne figure elle enferme nos trois compères stressés dans le sas.

Le visionnage des images du combat nous apprend que Sulivan avait au basque un tueur très doué, capable de transformer quatre veilleurs en pizza en quelques secondes. Un attroupement non loin du bar attire notre attention, le ponte du quartier, Pelgram, interroge un pauvre bougre terrorisé. Il veut savoir où se trouve le sac que transportait Sulivan, alors que le mafieux écrase la tête du mendiant sous sa botte, il change d’attitude et se montre mielleux à l’approche de deux molosses en armure de cuir assez atypiques. D’autres hommes du même acabit apparaissent de part et d’autre. Le chef mafieux semble soulagé de se défaire d’eux rapidement en leur donnant toute les autorisations et accords pour enquêter sur ses terres. Ils recherchent les auteurs de l’intrusion dans leur serveur chez Pharmatech. Il est temps de disparaitre, j’ai peur, je comprends vite que ces professionnels vont trouver au bar en deux secondes les traces de connexion que je n’ai pas pris soin de nettoyer, ainsi que les vidéos de moi et Cora, on doit se casser d’Oméros en urgence absolue !!!

Cora lit la terreur dans mes yeux, elle me calme d’une simple phrase mélodieuse et me persuade que la fuite n’est pas la solution, elle me propose de changer nos apparences, je me laisse convaincre, mais avais-je le choix ? L’escouade de la corpo pharmacologique devait déjà avoir trouvé nos photos. Elle me guide dans un coin discret après avoir acheté quelques vêtements. Nous nous changeons rapidement, j’admire la forme de ses courbes, sa peau parfaite, ses bijoux et implants de coraux si délicats, même son bras cybernétique rajoute à sa beauté. C’est dans cette ruelle sordide que je découvre que la perfection existe en ce monde, je comprends pourquoi les hommes perdent la tête pour elle. Abasourdie par sa beauté, je la laisse m’aider à m’habiller et entame ma transformation en ouvrant sa trousse à maquillage.

On n’a jamais pris soin de moi à l’exception d’Akiléus, je me rends compte qu’il est agréable de se laisser faire, de lâcher prise, de s’abandonner et de faire confiance. Pourrait-elle devenir ma maman ? Akiléus a du déjà du tomber sous son charme, sinon pourquoi la laisse-t-il incorporer notre équipe, je dois faire découvrir à Cora la beauté intérieure de papa, sa force tranquille, la sécurité qu’on ressent quand on est à ses côtés. Ensuite on partira vivre heureux sur la villa orbitale de maman, elle possède même surement plusieurs domaines, elle semble tellement riche, elle s’intéresse tellement peu à l’argent. Evidement elle ne peut être qu’une riche héritière obligée de se cacher pour éviter un mariage arrangé, j’en suis certaine, elle recherche l’amour, le vrai.

Je découvre que le maquillage devient une science quand il est réalisé par une experte, maitrisant parfaitement son art elle m’explique rapidement avec des mots simples ce qu’elle fait « je rallonge ton visage, pour le rendre moins ovale afin de tromper les cryptogrammes de reconnaissance des caméras de surveillance. » elle me parle avec des mots, simples, des mots d’enfants, je comprends qu’elle fait des efforts pour utiliser des termes compréhensibles à une novice en déguisement telle que moi, je le prends bien, j’aime quand elle me parle. J’essaie de comprendre, de m’améliorer, elle me rend meilleure. Prends-en de la graine Tank !! Quand j’essaie de t’expliquer qu’un écrou et une vis sont des choses complémentaires et interdépendantes l’une de l’autre et pas seulement juste deux trucs qui s’emboitent pour leur plaisir.

Quelques minutes plus tard, Sophia la princesse était née, belle et lumineuse, celle qui attire les regards, « Pour passer inaperçue, il faut briller plus que le soleil » me lance-t-elle quand je me découvre dans son miroir de poche.

L’équipe se reforme pour aller au cabinet d’un charcudoc réputé, dernier lieu où nous mène l’enquête sur le tueur de Sulivan. On y découvre le corps du docteur la tête explosée. Le tueur à plusieurs heures d’avance mais de nombreuses boites vides d’anti-radiation nous laisse penser qu’il se rend dans les mines sous les générateurs pour disparaitre d’Oméros. Tu plus, il semble sérieusement blessé. Nous formons deux groupes pour ne lui laisser aucune chance, le premier à sa poursuite dans les mines, le second composé de Tank et moi dans le navire aux aguets des grottes sous-marines voisines aux mines. Nous remarquons un navire au déplacement suspect, rasant les fonds océaniques, nous décidons de le poursuivre discrètement. C’est surement notre homme. Après quelques heures, il plonge dans une fosse, réputée dangereuse ou de nombreux vaisseaux ont disparu. Arrivé à la limite de profondeur de leur navire, deux scaphandres en sortent chargés de matériel pour descendre encore plus bas. C’est là que nous décidons de retourner rechercher le reste du groupe afin de revenir les cueillir dans quelques heures à leur remontée.